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La biofabrication, quels impacts ?
Crédits: ©Teona Swift - Pexels

La biofabrication, quels impacts ?

Amandine Moggi
par Amandine Moggi - Modifié Il y a 1 an
La biofabrication, quels impacts ?
Crédits: ©Teona Swift - Pexels

Piste de réponse aux exigences de durabilité actuelles, la biofabrication est l’une des façons les plus récentes de créer des matériaux biosourcés. Entre matière textile éthique et tissu biodégradable, zoom sur les inévitables transformations qu’engendre cette technologie de biosourcing en pleine évolution.


1. Qu'est-ce que la biofabrication ?

La biofabrication consiste à fabriquer des matériaux à partir du vivant. La technologie s’appuie sur le biomimétisme, l’imitation des processus naturels, pour cultiver en laboratoire des organismes vivants comme des bactéries, levures, cellules végétales ou animales. Placés dans un environnement reproduisant leurs conditions de vie naturelles, mais totalement contrôlées de façon à l’optimiser, ces organismes se reproduisent ou se développent jusqu’à former une substance exploitable.


Un tissu, dans tous les sens du terme : cette même technologie permet à la fois de créer des tissus humains destinés à la médecine et des matériaux biosourcés utilisés par l’industrie du bâtiment, du design, de la mode, de l’ameublement, de l’automobile.


Dans le domaine textile, les biomatériaux visent à développer des textiles éthiques alternatifs à certaines matières animales pointées du doigt, soit à cause de l’exploitation des animaux, soit à cause de l’impact environnemental associé à la production des matériaux… voire les deux, dans le cas du cuir.


2. Textiles, innovations et matières actives biofabriquées

Les textiles biofabriqués les plus connus sont ceux issus de la biofabrication de mycelium, le système racinaire des champignons. Capable de dépolluer les sols ou de traiter des plaies, cette matière première naturelle biodégradable, isolante, hydrofuge et ignifuge peut aussi se transformer en faux cuir. Avec sa technologie MycoFlex™, Ecovative a notamment permis le développement du Mylo™ de Bolt Threads, utilisé par Stella McCartney et Adidas.


L’entreprise est aussi à l’origine du MycoComposite, alliage de mycelium et de fibres végétales, utilisé pour remplacer le plastique dans les emballages alimentaires ou comme isolant dans la construction. Chez Mogu, le mycelium se cache dans des panneaux acoustiques ou des revêtements de sol biosourcés. Quant au Reishi™ et au Sylvania de Mycoworks, ils ont été adoptés par Hermès pour ses modèles de sacs à main en matières issues de composés végétaux.


Les champignons ne sont pourtant pas l’unique source de matériaux biosourcés : le cuir cellulaire produit une vraie peau animale à partir de cellules souches, tandis qu’Ecovative est également à l’origine du Microsilk™, une fausse soie à base de protéines issues de fil d’araignée.





3.Biofabrication et biosourcing

La biofabrication fait partie des technologies de biosourcing, consistant à allier technologie et biologie pour créer des biomatériaux. Parmi les matériaux biosourcés, on trouve donc aussi bien les textiles éthiques issus de déchets organiques transformés, comme les faux cuirs végétaux ou la laine de chien, et des tissus biofabriqués, cultivés à partir de champignons comme le faux cuir de mycelium, de levures pour la soie alternative ou de cellules animales pour le cuir cellulaire.


Un textile biofabriqué est biosourcé, mais un textile biosourcé n’est pas forcément biofabriqué ! La pionnière de la biofabrication textile, Suzanne Lee, en a proposé des définitions précises dans son essai « UNDERSTANDING “BIO” MATERIAL INNOVATIONS : a primer for the fashion industry » (Comprendre les innovations des « bio » matériaux : un guide pour l’industrie de la mode).


4.Mode et biofabrication : nouveaux métiers pour nouveaux processus

Si les premiers pas de la biofabrication dans la mode ont pris la forme de performances artistiques et de pièces uniques, certains matériaux biosourcés ont aujourd’hui atteint le stade de l’usage commercial, avec des applications à l’échelle industrielle. Un changement qui a nécessité une interdisciplinarité croissante, avec l’intégration de nouveaux métiers dans la chaîne textile. On parle désormais de biodesigners, d’ingénieurs ou de techniciens en biofabrication textile, aussi bien dans les entreprises de biotechnologie que dans les studios de création textile… et bientôt, au cœur même des marques ?


Chaque nouveau matériau est le produit de plusieurs mondes. Chimistes et biologistes, artisans et industriels mettent en commun leurs connaissances avec un but commun : appréhender les contraintes et les attentes de chacun pour mieux exploiter le potentiel de ces nouveaux procédés. Un partage d’autant plus nécessaire que certaines technologies transforment littéralement le processus de fabrication. Par exemple ? Jen Keane, designer issue de la Central Saint Martins School et désormais à la tête de ModernSynthesis avec le docteur en bio-ingénierie Ben Reeve, s’est fait connaître avec le projet « This is grow », pour lequel elle a fait pousser des bactérie directement en forme de chaussure. Même principe pour le concept hybride de la créatrice allemande Emilie Burfeind, bouleversant les étapes de fabrication classiques : sa sneaker-chaussette combine une semelle biofabriquée en mycelium et une chaussette tricotée en chiengora, une laine de chien à base de poils récupérés lors du toilettage existant depuis les années 80. Le cuir cellulaire, lui aussi, peut être cultivé à la forme et dans les dimensions voulues.


De tels projets imposent de repenser étape par étape le design, le patronage, la coupe ou l’assemblage des produits, voire les gestes et les machines qui travaillent les matériaux… mais ouvrent une infinité de possibilités. C’est pourquoi des structures comme Open BioFabrics, dédiée à la biofabrication de textiles éthiques et pionnière de la cellulose bactérienne, s’attachent aussi bien à sensibiliser des artisans que des entreprises et des étudiants… sans se limiter à un métier, encore une fois, puisque ces workshops sur la biofabrication concernent aussi bien des écoles d’art que d’ingénierie et de design.


5. Environnement et biofabrication : l’impact des matériaux biosourcés

Ces nouveaux matériaux biofabriqués ne sont pas pour autant miraculeux. Ils visent un objectif vertueux et ambitieux, celui de créer des textiles plus responsables, à l’impact minimal sur la santé humaine, le bien-être animal et l’équilibre environnemental. Mais à quel point, et selon quels standards ?


La biofabrication peut être un outil puissant pour favoriser une mode plus durable, permettant de réduire les impacts négatifs de certains textiles traditionnels. En théorie, un tissu biodégradable utilise moins de ressources, produit moins de gaz à effet de serre, pollue moins et limite même le gaspillage, lorsqu’il est issu de déchets organiques revalorisés. Un tel textile éthique peut aussi avoir une dimension sociale, en offrant un revenu supplémentaire aux producteurs de la matière première.


Les matériaux biosourcés, dont ceux issus de la biofabrication, sont à l’heure actuelle peu encadrés, qu’il s’agisse de définition ou de fabrication. Les allégations sont nombreuses, la réalité souvent différente, parfois simplement par manque de recul : mesurer l’impact environnemental réel de ces tissus innovants demande à prendre en compte l’origine des matières premières, le processus de fabrication, les ressources utilisées, la durée de vie et la recyclabilité… un calcul complexe que tous les fabricants ne font pas ou sur lequel certains refusent de communiquer, préférant mettre en avant l’aspect biosourcé sans données précises sur l’impact global du produit fini.


Conclusion ? Le potentiel est énorme, mais comme l’explique la pionnière Suzanne Lee, “chaque biomatériau devrait être considéré au cas par cas tant pour sa méthode de fabrication que pour sa fonction et son impact”.








Sources d’inspirations

Boudoir numérique - Mode écoresponsable : Ecovative : Emil Blau : Institut français de BioFabrication :
Amandine Moggi
Rédigé par Amandine Moggi
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Cordonnier-bottier
En veille sur les matériaux, les savoir-faire et les techniques.

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