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Cuir cellulaire : tout savoir sur cette innovation
Crédits: ©Seniv Petro - Freepik

Cuir cellulaire : tout savoir sur cette innovation

Amandine Moggi
par Amandine Moggi - Modifié Il y a 1 an
Cuir cellulaire : tout savoir sur cette innovation
Crédits: ©Seniv Petro - Freepik

Face aux questions de bien-être animal et de développement durable, l’industrie du cuir souhaite faire peau neuve. Le cuir cellulaire est un cuir de laboratoire, d’origine animale mais obtenu sans tuer d’animal. Comment, pourquoi et avec quelles différences ? Zoom sur une méthode de biofabrication du cuir qui pourrait tout changer.


1) La biofabrication du cuir, une alternative d’avenir

La biofabrication du cuir consiste à cultiver des cellules vivantes en laboratoire, afin d’obtenir des matières premières alternatives au cuir animal. La méthode se distingue d’autres solutions alternatives comme les cuirs biosourcés, qui misent sur la chimie verte pour créer des matériaux à l’aspect cuir : feuilles d’ananas, résidus de plantes ou pulpe de cactus, entre autres.


Ce cuir du futur est actuellement décliné sous deux formes différentes, le cuir de mycelium et le cuir cellulaire. Le premier est une imitation du cuir, produit par la culture de champignons et exploité par des entreprises de biotechnologie comme Ecovative Design avec son Forager™️, Mogu et son Pura Flex™️, Myco Works et son Reishi™️… ou Bolt Threads avec le Mylo™️, une innovation déjà adoptée par Stella Mc Cartney pour ses sacs ou Adidas pour ses chaussures.

Le cuir cellulaire, lui, consisterait à cultiver des cellules souches, en reproduisant dans un laboratoire leurs conditions de croissance idéales. Les cellules finiraient par former de la peau, qui deviendrait du cuir une fois tannée. La différence ? Il ne s’agirait pas d’un cuir végétal, mais de vrai cuir animal. Il présenterait les mêmes caractéristiques organiques, le tout sans aucune souffrance : le tissu cellulaire utilisé serait prélevé de façon indolore sur un animal vivant et pourrait ensuite être cultivé à l’infini.


La technologie est en revanche moins avancée. Si le cuir végétal est déjà utilisé par l’industrie de la mode et du luxe, pour les chaussures ou la maroquinerie, le cuir cellulaire en est encore au stade de recherche et développement ou à ses toutes premières applications. Des avancées seraient d’ailleurs nécessaires quant à sa résistance à l’usure ou à sa patine en vieillissant. Modern Meadow, l’un des précurseurs, a tout de même lancé son cuir bio-imprimé Zoa™️ en 2022, avant de bifurquer sur le Bio-Tex™️, un alliage de protéines végétales et de bio-polymères. L’entreprise VitroLabs Inc, quant à elle, a annoncé en 2022 avoir levé 46 millions de dollars pour lancer sa première production, comptant parmi ses investisseurs le groupe de luxe Kering.


2) Les pistes de développement du cuir cellulaire

L’une des caractéristiques les plus bluffantes du cuir cellulaire est la perspective de pouvoir le « paramétrer ». En manipulant les cellules en laboratoire, les chercheurs pourraient jouer sur la texture, le poids, l’élasticité et même la forme du cuir obtenu. Sur ce principe, Modern Meadow a d’ailleurs déjà fabriqué du cuir liquide, utilisé comme une colle pour assembler les différentes pièces d’un tee-shirt sans coutures exposé au MoMA de New York en 2017.


D’autres pistes suggèrent la possibilité de cultiver directement des pièces de cuir ayant déjà la forme du sac ou de la chaussure voulue, et la matière première pourrait également être teintée, voire traitée durant la culture. Résultat, des peaux déjà prêtes à assembler avec un minimum de pertes. Ce qui explique l’une des idées évoquées par les experts, à savoir la création de cuirs exclusifs pour chaque commanditaire prêt à y mettre le prix. À quand un cuir cellulaire labellisé Gucci ?


Autre avantage, la qualité de la peau ne varierait pas non plus comme celle du cuir animal, impacté par la race, l’âge, les conditions de vie ou de santé de chaque individu. Le cuir cultivé en laboratoire serait ainsi parfaitement homogène, de même taille et de même forme, avec une surface régulière, sans cicatrices ni piqûres d’insectes. Un véritable atout pour limiter les pertes et maximiser la rentabilité.


Quant au délai de production, il ne dépendrait plus du cycle de vie d’un animal. VitroLabs Inc évoque quelques semaines pour la culture du cuir de laboratoire, contre plusieurs années pour un animal destiné à l’abattoir.



3) Le cuir de laboratoire, de nombreuses questions

Aucune activité humaine n’est dénuée d’impact, et le cuir cultivé en laboratoire ne l’est pas non plus. La comparaison avec l’impact environnemental d’un cuir animal, en revanche, semblerait à l’avantage du cuir cellulaire. Un point qui sera confirmé ou infirmé lorsque nous aurons davantage de recul sur cette activité encore récente.


Du point de vue de la bioéthique animale, même principe : aucun animal n’est tué, ni même élevé, pour la biofabrication du cuir. Puisque si les animaux ne sont pas élevés pour leur peau en France, l’industrie du cuir n’utilisant que les animaux abattus pour l’alimentation, ce n’est pas le cas partout dans le monde. Le prélèvement de cellules pour la biofabrication de cuir, lui, est effectué sans douleur par biopsie sur un animal vivant, qui poursuit reprend ensuite le cours de sa vie. Et un seul prélèvement suffirait à produire des milliards de mètres carrés de matière première, le renouvellement cellulaire étant réplicable à l’infini.


Le cuir cellulaire soulève cependant de nombreuses questions, auxquelles le manque de recul sur une technologie récente ne permet pas encore de répondre. La culture de ces peaux nécessite des ressources, notamment de l’eau, des nutriments et de l’énergie pour faire fonctionner les bioréacteurs dans lesquels se développent les cellules. Avec quel impact environnemental ? Quelle toxicité associée ? Et peut-on d’ailleurs considérer comme éthique la culture de cellules animales en laboratoires pour obtenir des peaux ? Puisque le cuir cellulaire n’est pas pour autant considéré comme végan, la matière première, la cellule souche, restant d’origine animale.


Reste enfin la question des conséquences sur les métiers du cuir. Le cuir français est issu uniquement d’animaux élevés pour leur viande, pas pour leurs peaux, limitant l’impact sur les éleveurs. Mais qu’en est-il des tanneurs ? Si le biomatériau développé par Vitrolabs conserve l’étape du tannage, celle-ci est abrégée, et il n’en sera peut-être pas de même pour de futurs biomatériaux utilisant le même procédé.


Certes, le cuir cellulaire coûte actuellement cher. Voire très cher. Il n’est réellement accessible qu’aux grands groupes et marques de luxe, avec une offre restreinte. Ces freins devraient cependant s’assouplir à mesure que la recherche et le développement progresseront, puisque les domaines d’application sont vastes et la demande forte, portée par les exigences morales des consommateurs autant que par les objectifs environnementaux de demain.

Conclusion ? Le cuir du futur pourrait bien sortir d’un laboratoire, plutôt que d’un abattoir.




Sources d’inspirations

Fédération française de la Tannerie-Mégisserie :
Amandine Moggi
Rédigé par Amandine Moggi
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Cordonnier-bottier
En veille sur les matériaux, les savoir-faire et les techniques.

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