Responsable de l'Institut des Matériaux Souples pour les Compagnons du Devoir, Andréa est en veille sur l'évolution des métiers de la sellerie, de la tapisserie, de la maroquinerie, de la podo-orthèse et de la cordonnerie-botterie. Dans le cadre de sa veille prospective, elle a assisté vendredi 21 octobre dernier à la conférence-débat « L'automobile a-t-elle un avenir ? ». Cette dernière a été réalisée lors de l'expo « Permis de conduire ? » au Musée des Arts et Métiers. Je vous propose ainsi son retour sur cet évènement et les conclusions pour le métier de sellerie-garnissage.
- L’avenir de la voiture en France
Aujourd’hui, 90% des ménages possèdent au moins une voiture. À l’avenir, on imagine mal comment ils pourraient s'en passer, surtout pour les Français habitant en zone périurbaine ou à la campagne. Cependant, la biodiversité paie cher les dégâts de l’usage massif de la voiture. Il y a donc un vrai débat autour de ce moyen de transport. En ville, il est déjà presque acté que la voiture sera à l’avenir absente partiellement ou totalement.
Dans cette conférence-débat, il a ainsi été souligné qu’il existe désormais deux France avançant à deux vitesses. D’un côté, il y a la France des grandes villes où tous les transports sont accessibles, comme le vélo, la trottinette, les transports publics ou la marche à pied. Dans cette France, le vélo est notamment le grand gagnant des nouvelles mobilités.
Ce n’est pas le cas dans la seconde France, de la campagne et du périurbain, où on étale le territoire sans penser aux transports devant être développés pour répondre aux besoins de la population. Les habitants de ces zones doivent et devront probablement toujours se déplacer en voiture.
- Un fossé qui se creuse
Toujours d’après la conférence, le fossé entre ces 2 France devrait normalement se creuser de plus en plus. En 2022, alors que nous sommes 67 millions de Français, il y a également 2 fois moins de réseau ferroviaire qu’en 1930 sur le territoire alors qu’on est évidemment beaucoup plus nombreux qu’à cette date. Cet état de fait rend la voiture d’autant plus indispensable en campagne.
Les fossés entre ces deux France devraient donc continuer à se creuser sans investissement dans les transports publics hors des principales agglomérations. Les habitants en périphéries des grandes villes ne pourront plus prendre la voiture pour les rejoindre ponctuellement. Ils risquent d’être géographiquement isolés.
Ceux qui n’ont pas les moyens de changer de voiture pour passer à l’électrique seront également pénalisés. Pour les livraisons, seuls les sous-traitants ayant l’agrément pourront entrer en ville. Les autres devront se cantonner à un marché hyper local près de chez eux. L’avenir de la voiture, et donc des habitants des campagnes, dépend ainsi des choix politiques et des investissements en termes de mobilité.
- Les conséquences pour le métier de la sellerie-garnissage
Vous le savez, l’automobile est un segment économique important pour nos métiers. Mais ces changements d’usage de la voiture ne signifient pas forcément déclin de la sellerie-garnissage. Car les selliers-garnisseurs ont toujours su s’adapter.
Le métier de sellier répond à de multiples demandes dans le secteur du transport, du loisir, du plein-air ou de l’enveloppe textile. Le métier de sellier depuis ses origines dans la réponse aux besoins des cavaliers jusqu’à aujourd’hui a su s’adapter aux modifications d’usage, aux innovations et aux demandes des consommateurs ou entreprises. La grande qualité du sellier est donc de savoir s’adapter, tout simplement !
Selon Andréa Offredo, la conférence avait donc un intérêt particulier dans le cadre de sa mission sur le devenir du métier. Anticiper ce type de mutations fait en effet partie intégrante de son travail sur les programmes de formation des Compagnons du Devoir, qui doivent s’assurer continuellement que les jeunes formés aujourd’hui soient employables demain.
- Les axes de développement du métier pour demain
Il semble qu’il y aura demain plus de vélos, plus de transports en commun et d’autres modes de déplacement. Il sera donc nécessaire de développer et d’approfondir certaines compétences et techniques pour répondre à de nouveaux besoins. Les artisans de la sellerie-garnissage peuvent par exemple se développer en bagagerie ou en architecture textile tendue par exemple, ou même se recentrer sur d’autres produits que l’on fait déjà comme des selles de moto.
Il est aussi possible de se spécialiser par zone d’habitat : selliers-garnisseurs spécialisés sur le vélo en ville, sur le train en zone périurbaine, sur la voiture en campagne. Ainsi, un petit artisan à Paris pourrait gagner à avoir des compétences axées sur l’outdoor : vélo et bagagerie notamment. Si on est un petit sellier en province, il peut être intéressant de développer les 2 compétences, garniture pure et outdoor. Si c’est de l’industriel, cela dépend de l’entreprise. En bref, les formations se doivent d’être polyvalentes.
- La réparation comme autre axe à développer
Les artisans de la sellerie-garnissage font depuis toujours de la réparation, sur des sièges d’automobile ou d’autres articles, mais aussi de la restauration de véhicules anciens. Les métiers de l’artisanat s’inscrivent donc à merveille dans cette tendance du recyclage et de la réparation. Après tout, c’était la norme jusque dans les années 50 avant la mise en avant du tout jetable associé à la consommation de masse.
C’est donc un axe à développer et à renforcer auprès des clients : un objet qui vient de l’artisanat, on est à 95% sûr qu’on peut le réparer. Pour un objet provenant de l’industrie, même s’il a été pensé par un sellier en bureau d’étude, cela est moins sûr. C’est le résultat d’un produit pensé pour être pas cher. À l’inverse, l’artisan choisit un objet de qualité, avec des matériaux de qualité, qui vont durer dans le temps. Cette démarche doit être mise en avant auprès du grand public, pour capter et retrouver une certaine clientèle.
- Le mot de la fin
Les Compagnons du Devoir réfléchissent aujourd’hui à un groupe de travail plus spécifique pour la prospective du métier de sellier-garnisseur et de la sellerie automobile. L’idée est de répondre à une question simple, mais complexe : quel sera le métier à horizon de 2030-35 ? En fonction des scénarios retenus, ils continueront d’adapter au mieux leur carte de formation depuis la formation initiale jusqu’à la fin du tour de France.
Formation des artisans
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