Bousculé ces dernières années, le marché du textile et des matériaux souples en France ne cesse de se réinventer. Les chiffres permettent de brosser un portrait de l’industrie textile d’aujourd’hui et de demain.
Sommaire
1) Textile et habillement : une hausse en 2023, mais un recul par rapport à 2019
D’après l’Institut Français de la Mode (IFM) dans son bilan provisoire, le chiffre d’affaires de l’industrie du textile et de l’habillement en France en 2022 était en hausse de 3,4% avec un total d’environ 26 milliards d’euros. Un chiffre encourageant à première vue, mais qui reste à relativiser : la hausse est consécutive à la sortie de crise sanitaire, ayant entraîné un net recul des ventes les années précédentes.
Pour comparaison, le marché totalisait 23,3 milliards d’euros de chiffre pour les entreprises en 2020, en pleine Covid-19, contre 27,8 milliards d’euros en 2019, avant la crise et 28,7 milliards d’euros en 2012. La hausse de 2022 est donc globalement inférieure à celle de 2021, et le chiffre d’affaires total du secteur du textile et de l’habillement, lui, reste inférieur au chiffre d’affaires en France d’avant-crise, poursuivant une décrue effective depuis des années.
Le constat est le même dans la filière du cuir : en hausse de 12% en 2021 avec 384 millions d’euros, le chiffre d’affaires de la tannerie mégisserie restait inférieur de 16% par rapport aux 455 millions d’euros de 2019, selon le Conseil National du Cuir (CNC). Et si les estimations 2022 prévoyaient la réduction de cet écart, il devrait encore se situer autour de 9% de baisse par rapport à 2019. Seule exception, la production française de sacs à main pour femme pourrait afficher une hausse de chiffre d’affaires 2022 de +9% par rapport à 2019, et même de +27% pour les entreprises de maroquinerie française, toujours selon les prévisions du CNC.
2) De nouvelles façons de consommer
Dans un marché bouleversé, le bilan de l’IFM met en lumière de nombreux changements. Le ralentissement par rapport à 2021 est notamment bien plus frappant pour les ventes de linge de maison (-7,1%) et d’habillement enfant (-2,5%). À l’inverse, la hausse de chiffre d’affaires est plus importante pour le secteur des textiles sport (+13%), de l’habillement homme (+11,3%) et des chaussures (+7,8%). Selon le CNC, les chaussures de sport faisaient d’ailleurs déjà l’objet d’une progression de +57% en 2021, les chaussures de ville et bottes à dessus cuir, de +14%.
Les pure players (vente en ligne uniquement) et la VAD (vente à distance) ont pour leur part subi une baisse de CA de -12,3% en 2022, tandis que les grands magasins et magasins populaires, à l’inverse, ont vu leur chiffre augmenter de +22,7%. Là encore, ces résultats sont à relativiser, puisque comparés à 2021. Par rapport à son niveau de 2019, le marché de l’habillement a subi une baisse moyenne de -4,4% cachant de gros écarts : une hausse de +8,3% pour les chaînes de grande diffusion, mais une baisse de -15,6% pour les indépendants multimarques et de -17,2% pour les hypermarchés et supermarchés. Pour le secteur des chaussures, la baisse est de -5,4% par rapport à 2019.
Les exportations de chaussures vers l’ensemble du monde affichaient toutefois des chiffres prometteurs en 2022, avec des chiffres stables vers la Chine, dont la filière française est le troisième fournisseur depuis 2021, et des hausses vers le Brésil, le Vietnam, l’Europe ou la Turquie. La reprise se confirmait également avec le marché américain. De même, les exportations dans le secteur de la mode de luxe soutenaient activement la filière.
3) Le physique plutôt que le digital, le masculin plus que le féminin
Après le bond en avant des ventes internet durant la crise sanitaire, le marché textile français a vu la tendance s’inverser. En 2022, les ventes en ligne étaient en baisse moyenne de -12,7%, tous les circuits reflétant la même tendance. Contrairement à la vente en magasin, qui elle, affichait une hausse de +13,9%. Le renversement était particulièrement visible dans les chaînes spécialisées (-14% en ligne, +20,4% en magasin) et dans les grands magasins ou magasins populaires (-5,1% en ligne, +23,1% en magasin).
Reste que la fast fashion et l’ultra-fast fashion, au modèle parfois 100% digital boosté par la crise sanitaire, pèsent de plus en plus lourd sur le marché mondial, avec un impact tout aussi significatif sur le marché français: en 2022, la fast fashion pesait 99,23 milliards de dollars dans le monde, devrait dépasser les 106 milliards en 2023, avec une estimation à plus de 133 milliards d’ici 2026; voir ici. En France, l’ultra-fast fashion, largement dominée comme ailleurs par Shein, représentait 12% des revenus de la mode en 2022; voir ici. Un modèle controversé et souvent incriminé dans les récentes fermetures d’enseignes, de Camaïeu à Pimkie.
Autre constat du bilan de l’IFM, les ventes d’habillement masculin ont progressé plus vite que celles de vêtements féminins. Leur niveau 2022 était inférieur de 4% à celui de 2019, grâce à une belle progression des ventes, en particulier sur les produits basiques et les pièces casual. Le chiffre d’affaires du secteur féminin, pour sa part, se situait toujours 8% plus bas que son niveau de 2019.
Le secteur du cuir note quant à lui que le modèle omnicanal restait incontournable en 2022, quelles que soient les évolutions, les consommateurs les plus jeunes favorisant internet tandis que les seniors préfèraient les boutiques physiques.
4) Les tendances 2024 : français et éco-responsable
Omniprésente dans l’industrie textile et matériaux souples, l’éco-responsabilité occupe les préoccupations des fabricants comme des consommateurs. De plus en plus sensibles à l’argument de la fabrication française, ceux-ci manifestent également une vigilance accrue quant à la provenance des peaux et le bien-être animal, selon le CNC. Et quel que soit le matériau, les questions de durabilité, de réparabilité, de recyclage, d’upcycling ou encore de seconde main étaient des sujets essentiels pour les entreprises du secteur.
En 2022, l’IFM estimait ainsi à 6 milliards d’euros le marché de la seconde main en France pour les vêtements, les chaussures et la maroquinerie. Près de 69% des entreprises consultées avaient mis en place des dons de vêtements, 59% collectaient des vêtements d’occasion et 35% de plus projetaient de le faire, 38% en vendaient et 24% de plus le prévoyaient. Quant aux produits upcyclés, ils étaient déjà présents dans les collections de 36% des marques, et en projet pour 12%. Un marché qui occupe une place croissante dans le chiffre d’affaires du secteur, d’autant plus pour la filière cuir dont les prix freinent toujours une partie des Français : selon le CNC, la part de seconde main dans les habitudes d’achat de produits en cuir s’élevait à 31% en 2021.
Si le marché des textiles et matériaux souples enchaîne les bouleversements, la filière est résiliente et s’organise pour poursuivre sa transformation. Les domaines d’investissement prioritaires révélés par l’IFM renseignent d’ailleurs sur les pistes explorées par les entreprises françaises pour poursuivre leur reprise et faire face à l’essor de la fast et l’ultra-fast fashion : l’évolution du digital, les actions de développement durable et l’attractivité des points de vente. À suivre.
Factors that will Impact the Textile Value Chain in 2023
Les défis de 2023 pour l’industrie textile
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