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La face cachée de la teinture textile
Crédits: ©Pexels

La face cachée de la teinture textile

Amandine Moggi
par Amandine Moggi - Modifié Il y a 2 mois
La face cachée de la teinture textile
Crédits: ©Pexels

Constat accablant que la plupart des professionnels connaissent : la couleur de nos vêtements détruit. La teinture chimique fait en effet partie des sources de pollution les plus dangereuses au monde. Son utilisation à grande échelle entraîne des conséquences dramatiques aussi bien sur l’environnement que sur la santé. Les chiffres sont inquiétants : 20 % de la pollution des eaux dans le monde est dû aux colorants chimiques. Face à ce fléau, les teintures végétales et naturelles sont vues comme des alternatives écologiques aux nombreux bienfaits. Avantages, limites, innovation… focus sur les différentes formes de teintures actuelles.


1) Les effets néfastes de la teinture chimique sur la santé et l'environnement 


De plus en plus d’études, ouvrages et articles mettent en lumière la dangerosité de la teinture chimique textile. Celle qui a succédé à la teinture végétale au XIXème siècle est en effet composée de métaux lourds et de produits toxiques comme le formaldéhyde et les phtalates (solvants dérivés du goudron et du pétrole). Les couleurs sombres ou vives indiquent d’ailleurs souvent l’usage de métaux lourds.


Les conséquences sur la santé sont réelles et lourdes, aussi bien pour les ouvriers que pour les « porteurs » de vêtements colorés chimiquement : risque de cancer, dérèglement du système hormonal, perturbations endocriniennes, et même perte de l’odorat pour les enfants des quartiers où sont réalisées les teintures.


L’impact sur l’environnement est lui aussi catastrophique : destruction de la faune aquatique, pollution des eaux (comme la rivière Li en Chine, polluée par les métaux utilisés pour la teinture des jeans et devenue inexploitable pour la pêche et l’agriculture).

Tout ceci s’explique par le fait que « 80 % de la teinture s’accroche au vêtement tandis que les 20 % restants sont rejetés lors du rinçage (soit entre 40 000 et 50 000 tonnes de colorants chaque année) ». A cela, s’ajoute l’utilisation de charbon ou de gaz naturel, représentant une quantité conséquente de CO², et le recours à environ 100 litres d’eau pour teindre un kilo de tissu.


Pour autant, se passer totalement des teintures chimiques semble difficile. Des solutions émergent petit à petit : les teintures naturelles.





2) La teinture végétale : une alternative naturelle et écologique

La teinture végétale peut être extraite de plantes (fraîches ou séchées), écorces, coquillages mais aussi déchets organiques tels que fruits ou encore légumes sur le point d’être jetés : fanes de carottes, peau d’avocat, etc. Il s’agit d’une technique millénaire utilisée par des maîtres teinturiers. L’enjeu actuel étant de la développer à grande échelle et de trouver des solutions à ses limites.
En effet, malgré ses avantages indéniables (propriétés hypoallergéniques et anti-microbiennes, couleurs uniques, 100 % biodégradable, exempte de produits toxiques…), elle présente certains inconvénients :
  • elle n’offre pas le même résultat selon les matières - le polyester ne peut ainsi pas être teint de manière végétale – et selon le bain : sur la laine par exemple, le pigment naturel n’agira pas de la même manière. En fait, les matières « naturelles » sont les plus adaptées à la teinture végétale. Cette hétérogénéité de rendu peut être un frein à une production plus industrielle ;
  • il faut le poids du vêtement en matière végétale pour le teindre, alors que seuls quelques pigments en teinture chimique suffisent ;
  • la teinture végétale n’offre pas une résistance optimale dans le temps et se dégrade un peu plus rapidement que la teinture chimique.
De plus, certains freins économiques existent : pour parvenir à dépasser l’échelle artisanale et entamer un processus d’industrialisation, la teinture végétale devrait être produite massivement, mais cela lui ferait alors perdre son intérêt écologique. Par ailleurs, produite à plus grande échelle, ses coûts plus élevés pourraient rebuter les géants de la fast fashion. Toutefois, quelques marques comment à intégrer doucement la teinture végétale dans leur production : c’est notamment le cas du Slip Français ou encore Etam, qui a sorti une collection à base de teinture végétale en 2021.


3) Dépasser les limites des teintures végétales grâce aux teintures biosourcées et bactériennes ?

La teinture bactérienne est constituée de micro-organismes capables de produire des pigments. Aucun produit chimique n’est nécessaire ni de grandes quantités d’eau. Côté innovation, la start-up française Pili a mis au point une teinture bactérienne (à partir de biomasse et d’eau) et entend, grâce à celle-ci, dépasser les limites techniques de la teinture végétale tout en répondant aux besoins de la grande distribution. Une teinture écologique à des prix accessibles, partout dans le monde, tel est le projet ambitieux de cette entreprise.

La start-up Synovance, située dans l’Essonne, développe elle-aussi un projet de teinture bactérienne. Le principe : modifier l’ADN de bactéries pour les rendre capables de « fermenter les sucres et les sels et les transformer en colorants ».

Autre projet innovant et récent : la startup Ever Dye et sa teinture conçue à partir de pigments biosourcés résistants et durables. Cette méthode utilise les principes de la chimie verte combinée aux pigments de minéraux et déchets végétaux. Actuellement en phase de test dans les usines Petit Bateau, la start-up espère industrialiser sa teinture d’ici 2024.

4) Teintures sans eau : quels sont les procédés existants ?

Autre teinture naturelle qui pourrait bien faire de plus en plus parler d’elle : la teinture sans eau.
Quand on sait qu’il faut entre 50 et 100 litres d’eau pour teindre un jean et que cette eau contaminée pollue l’environnement, ou encore que 200 tonnes d’eau sont nécessaires pour teindre 1 tonne de tissus, l’enjeu est de réduire au maximum les quantités d’eau utilisées, voire de les supprimer.

L’entreprise Alchemie Technology a mis au point une teinture sans eau à prix accessible, permettant de « réduire les eaux usées et la consommation d’énergie de plus de 80 % ». Autres atouts : le tissu teint sans eau ne nécessitant pas de lavage post-teinture et la reproduction parfaite d’une couleur personnalisée grâce au système d’échantillonnage.

Plusieurs entreprises de l’industrie textile tentent de réduire leur consommation d’eau lors de l’étape de la teinture :
  • les entreprises Ecopel et Dyecco ont conçu une fourrure en polyester recyclé et teinté sans eau (pas encore disponible à la vente). l’eau a été remplacée par du CO² ;
  • le spécialiste français de la toile denim, Bleu Océane, a développé des machines permettant de teindre les denims à l’ozone ;
  • l’entreprise Yeh Group, spécialisée dans la conception de textiles créatifs, développe un procédé de teinture par voie sèche (il indique réaliser une économie de 25 litres d’eau par T-shirt) ;
  • dans un autre registre, Ralph Lauren ambitionne de créer un système de teinture du coton sans eaux usées ;
  • Etam utilise une coloration (de l’uni) sans eau.

Le développement rapide de la fast fashion et son recours à la teinture chimique rend urgent la démocratisation de la teinture végétale et naturelle. L’objectif étant alors de parvenir à l’industrialiser en préservant ses qualités écologiques, sans coûts excessifs. 






Sources d’inspirations

Nuances de flow :
Amandine Moggi
Rédigé par Amandine Moggi
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En veille sur les matériaux, les savoir-faire et les techniques.

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