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Assemblage complexe d’une charpente
Crédits: (CC BY 3.0) Gisling

Assemblage complexe d’une charpente

Alexandre Douet
par Alexandre Douet - Publié Il y a 3 ans
Assemblage complexe d’une charpente
Crédits: (CC BY 3.0) Gisling

L’Histoire du DOUGONG :



Le DOUGONG est un assemblage d’origine chinoise qui serait apparu les derniers siècles avant J.-C., puis se serait généralisé pendant la dynastie des Tang (618-907). Celui-ci est utilisé depuis près de 2500 ans dans la fabrication des temples, palais impériaux et reprend le principe d’assemblage par emboîtement sans clou ni colle.


Le DOUGONG est devenu un des éléments les plus importants et les plus caractéristiques de l’architecture chinoise. Il est réalisé avec le bois de Nanmu ( 楠木). Celui-ci pourrait s’apparenter à une espèce de mélèze et est également employé dans la construction des bateaux, des édifices, du mobilier et en sculpture. Il est considéré comme un bois précieux et se trouve uniquement en Chine et en Asie du Sud.


À l’époque, ces assemblages sont un signe de pouvoir et certains d’entre eux sont réservés notamment au palais de la « cité interdite » Il était défendu de les reproduire, cela aurait été perçu comme une offense envers l’empereur en prétendant pouvoir être son égal.


L’ensemble des éléments architecturaux, que ce soit la forme, la couleur, les ornements sont révélateurs des codes et coutumes qui prenaient place à l’époque des constructions.


Par exemple, il existe de nombreuses variantes dans les tracés ou les proportions des assemblages DOUGONG.


Le nombre de rangées a également son importance, car il va déterminer l’avancée de toit. On retrouve des rangées de 3,5,7 ou 9 rangs. Les superpositions de DOUGONG augmentent selon le statut de la personne.



(CC BY-NC-ND 2.0) Julie Laurent 

Détails d’un DOUGONG sur un des palais de la cité interdite à Pékin.



(CC 0 1.0) Gary Todd 

Tour d’angle dans la cité interdite à Pékin. Le DOUGONG a permis de construire des tours d’une grande hauteur afin de voir arriver l’ennemie.


Le principe constructif :


Le principe repose sur l’emboîtement d’un ‘DOU’ et d’un ‘GONG’. Le DOU étant la base, le support permettant de maintenir et de rigidifier une autre pièce le GONG.





Ci-dessous, nous avons l’assemblage de plusieurs DOU et GONG qui forment une colonne sur 3 rangs.





L’ensemble de cet assemblage est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, de même que les proportions de chaque pièce répondent à des critères bien spécifiques que je peine encore à comprendre.


Le schéma ci-dessous est tiré de l’ouvrage, « Pictorial History of Chinese Architecture » rédigé par l'architecte et auteur de la première histoire moderne de l'architecture chinoise, Liang Sicheng. Il permet de nommer chaque pièce composant le DOUGONG.



Diagram of Dougong from "A Pictorial History of Chinese Architecture". Image Courtesy of Liang Sicheng



À travers cette vidéo de Richard WIBORG on découvre à 08 m 10 sec : le montage, pas à pas des différents éléments qui compose le DOUGONG.


La précision qu’il faut dans le traçage et la mise en œuvre sont remarquables.

Richard WIBORD a réalisé plusieurs workshops et vidéos, complétant le sujet.





Sa résistance face au séisme :


Mais alors comment le DOUGONG a-t-il traversé les siècles ?


La technique et sa mise en œuvre ont été pensées de manière à ce que la structure puisse être résistante mais non cassante. L’onde de choc du séisme devait permettre à l’ouvrage de s’adapter, d’être flexible comme s’il entrait en résonnance avec lui plutôt que de chercher une résistance pure, un état stoïque. J’en suis venu à me demander si la philosophie du ‘ Feng shui ’ qui a pour principe l’observation de la nature et d’harmoniser l’énergie environnementale n’a pas conduit les concepteurs de l’époque à s’orienter vers cette création.


La première grande différence avec nos conceptions occidentales, c’est l’absence de fondation ou d’ancrage dans le sol. En effet, la colonne qui reprend la charge de la charpente est simplement posée au sol. Si nous devions déplacer le bâtiment, il suffirait alors de le soulever pour le mouvoir.


Cette conception a l’avantage en cas de séisme de ne pas fragiliser la base de la colonne, celle-ci est libre de se déplacer. L’ensemble des éléments structuraux permettent alors à l’édifice de fléchir, glisser tout en absorbant les chocs, les vibrations sans endommager la structure. Seuls les murs, non-porteurs réalisés en brique ne résistent pas.


Tous ces édifices n’ont malheureusement pas tous traversé le temps, car lors des nombreux tremblements de terre, des incendies se déclarent et bien que ces charpentes, en bois, ont pu résister aux séismes, elles ont pour certaines malheureusement été détruites par les flammes.


Dans la vidéo ci-dessous, en anglais, une expérience visant à reproduire un séisme de magnitude 9.5 a été réalisée sur une maquette d’architecture traditionnelle chinoise avec le système d’assemblage DOUGONG. Le test est impressionnant.



Mise en œuvre du DOUGONG aujourd’hui :


L’architecte Japonais Kengo Kuma a réalisé en 2011 un pont en bois reprenant dans les grandes lignes, l’idée du DOUGONG. Le pont se trouve dans la ville de Yushara au Japon.


La répartition des charges est équilibrée, un poteau unique, au centre vient reprendre le poids de la structure. Même si la mise en œuvre diffère quelque peu, le poteau n’est pas véritablement ancré dans le sol. Celui-ci contient en son centre un tube métallique fixé au sol qui permet à la structure d’être flexible.


En voici les plans : https://divisare.com/projects/310486-kengo-kuma-and-associates-takumi-ota-yusuhara-wooden-bridge-museum


Je trouve que ce projet montre bien qu’au-delà d’une technique ancestrale, il est possible de la réinterpréter d’une manière contemporaine en respectant les contraintes budgétaires et réglementaires



Un autre projet qui pourrait s’apparenter à un abri de bus reprend également à mon sens le principe du DOUGONG. Il s’agit de la gare routière de Vasaplan, située dans la ville d’Umeå en Suède. Le projet a été réalisé par l’agence d’architecture Wingårdhs Arkitectkontor. https://www.wingardhs.se/en/projects/vasaplan


Cependant, le but recherché dans cette construction n’est pas la résistance au séisme comme cela est le cas en Chine, car la suède a un risque faible selon une étude menée par le programme share (Seismic Hazard Harmonisation in Europe)

https://www.osug.fr/actualites/faits-marquants/l-alea-sismique-en-europe.html


Je pense que le choix de mettre en avant ou de réinterpréter la technique DOUGONG dans ce projet est surtout pour mettre en évidence la structure, le squelette de l’édifice ceci pour nous sensibiliser à une certaine sobriété, un certain minimalisme. Ce n’est pas une collection de matériaux ni des techniques misent en œuvre qui fait qu’un ouvrage nous émeut, mais d’après moi sa simplicité, apparente, son honnêteté aux regards du contexte, de son usage. 


La vidéo ci-dessous reprend sous une forme de timelapse la mise en œuvre du projet.


Le DOUGONG face aux constructions contemporaines :


Je ne crois pas avoir vu ces dernières années d’ouvrages en Chine ou en Europe reprenant exactement le principe du DOUGONG. Malgré ces qualités apparentes pour se prémunir des séismes, la mise en œuvre semble d’un autre temps, d’une autre époque. La construction des ouvrages en bois a évolué, ces assemblages également. Les constructions en béton ont peu à peu remplacé les constructions traditionnelles et les artisans en capacité de faire ces ouvrages. Il reste cependant encore de nombreux temples en Chine. Le savoir se perpétue encore par la restauration de ces éléments. Bien que la technique originelle est pour ainsi dire disparue. L’idée, le principe même de construction continu à perdurer et à influencer nos techniques d’assemblages occidentales.




Note aux lecteurs :


Certains d’entre vous, ont-ils déjà travaillé ou réalisé la maquette d’un DOUGONG ?

J’invite ceux qui en savent davantage sur le sujet à m’en faire part dans les commentaires.







Alexandre Douet
Rédigé par Alexandre Douet
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Ebéniste

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