« Kumiko » est une technique traditionnelle japonaise. Elle est utilisée dans la réalisation de porte et panneaux en bois appelé « shōji », elle reprend le principe « Kigumi » qui est d’assembler un ouvrage sans clous ni vis. Pour ce faire, les assemblages sont réalisés par un enfourchement à mi-bois d’une grande précision.
Au-delà d’une technique, le « kumiko », est considéré par les Japonais comme une forme de menuiserie d’art respecté. Celle-ci aurait vu le jour au 8e siècle de notre ère pendant la période Asuka (600-700 AD), période prospère à l’histoire des beaux-arts et de l’architecture japonaises.
Les motifs géométriques qui sont réalisés sont souvent conçus d'après des aspects de la nature. La nature pour les Japonais inspire un fort sentiment de respect dont les « Haïku » ces courts poèmes, constituent une méditation active sur l’instant présent, le monde, les saisons qui nous entourent.
Les motifs géométriques du « kumiko » s’inspirent des fleurs de cerisier, des feuilles de chanvre, de la carapace d’une tortue...
Chaque motif visuel a une signification traditionnelle, par exemple la carapace de tortue, appelée « kikkô » s’inspire de la forme hexagonale des écailles de tortue, un animal de bon augure qui symbolise la longévité et la chance.
On recenserait depuis l’ère Edo (1603-1868) pas moins de 200 modèles s’inspirant de la nature et du vivant.
Les bois utilisés dans la réalisation des panneaux sont principalement le cèdre et le cyprès. Bien qu’assez rares d’autres essences peuvent venir compléter la palette de couleurs, notamment le magnolia, le toona sinensis appelé aussi cèdre chinois ou encore le katsura.
Ci-dessous une vidéo (en anglais) retraçant les différentes étapes de cette technique.
Cette autre vidéo, traduite en français, retrace la vie d’un artisan et sa pratique du « Kumiko ». Au-delà de reprendre l’activité familiale, c’est également la remise en question d’une pratique professionnelle et traditionnelle pour l’adapter à nos nouveaux modes de vie. Je vous laisse découvrir sa réponse quant à l’avenir de cet artisanat.
Au-delà des motifs, leurs géométries distribuent également la lumière et le vent d’une manière poétique. L’écrivain Japonais Jun'ichirō Tanizaki nous parle à travers son livre « Éloge de l’ombre » de leurs lumières indirectes et diffuses comme un facteur essentiel de beauté.
En voici un extrait (p.51) :
« Mais ce que l’on appelle le beau n’est d’ordinaire qu’une sublimation des réalités de la vie, et c’est ainsi que nos ancêtres, contraints à demeurer bon gré dans des chambres obscures, découvrirent un jour le beau au sein de l’ombre, et bientôt, ils en virent à se servir de l’ombre en vue d’obtenir des effets esthétiques. »
(CC BY-NC-ND 2.0) no_typographic_man
Ombre et lumière à travers un « shōji »
Vous l’aurez compris, le « Kumiko » est surtout une technique, un art traditionnel. Cependant, il a besoin d’un support. Un des supports les plus courants pour recevoir ces motifs est le « shōji », une cloison (porte) coulissante qui sépare l’intérieur de l’extérieur des maisons traditionnelles japonaises.
Elles permettent également d’avoir une impression de dedans-dehors, replaçant la relation, homme nature, au cœur de l’habitat. Le jardin apparaît alors comme une toile de fond, propice à la détente, la méditation.
À l’arrière du « shōji » est collée avec une colle naturelle à base de riz appelé « Sokai » une feuille en papier de riz translucide, transparente ou opaque.
La trame ou résille du « Kumiko » fait corps avec la feuille de papier de riz, laissant apparaître un théâtre de jeux d’ombre et de lumière propice à la rêverie.
(CC BY-NC-ND 2.0) Bong Grit
Exemple de shōji avec la technique « Kumiko »
Lorsqu’il s’agit de réaliser une cloison (porte) coulissante en intérieur, cela ne s’appelle plus un « Shōji » mais un « Fusuma ».
À la différence du « shōji », le « Fusuma » est un panneau plein, il a moins vocation à laisser passer la lumière ou le son, il faut préserver l’intimité des occupants dans les différents espaces intérieurs.
On peut retrouver des paysages réalisés avec la technique « Kumiko » ou bien avoir une fresque peinte ou brodée.
Vous trouverez quelques exemples de « Fusuma » avec la technique « Kumiko » ici : https://www.sashikan.com/en/art.html
(CC BY-NC-ND 2.0) chillhiro
Exemple d’un Fusuma dans un intérieur traditionnel japonais
avec des panneaux pleins et brodés.
Le « Fusuma », de même que le « shōji », ne sont pas positionnés au hasard dans la maison traditionnelle japonaise, mais ils répondent aux « washitsu », des tatamis positionnés au sol.
Le tatami qui signifie « rempli », « tassé », répond à une unité de mesure le « jō ». Cette unité de mesure correspond à la surface d’une pièce. (91 × 182 cm soit 1,656 m2).
Le tatami doit toujours conserver le rapport de 1 / 2 afin de couvrir le sol de ce revêtement traditionnel. De ce fait, la largeur du tatami devient le module de référence dans la construction de l'habitat traditionnel japonais.
CC BY 2.0 TANAKA Juuyoh (田中十洋)
Pièce comprenant 18 Tatami de 91 x 182 cm, l’organisation de l’espace, des shōji et Fusuma sont régis par les tatamis.
Glossaire :
Haïku : Poème japonais très court qui évoque généralement une saison.
jō : Unité de surface pour calculer l'aire d’une pièce.
Jun'ichirō Tanizaki : Écrivain japonais
Kikkô : Motif qui s’inspire de la forme hexagonale des écailles de tortue
Komite : Technique pour assembler les pièces entre elles.
Shōji : Cloison en bois coulissante
Sokai : Colle naturelle à base de riz
Tatami : Littéralement « rempli », « tassé », est le revêtement de sol traditionnel des washitsu
Washitsu : Organisation des pièces d'habitation japonaises
Alexandre Douet
Nicolas Giroud