Dans le bâtiment, l’industrie, l’agroalimentaire ou les métiers de bouche, le corps est l’outil de travail principal. Porter, pousser, tirer, répéter les mêmes gestes, travailler à genoux ou les bras levés… Ces contraintes quotidiennes peuvent, à long terme, entraîner l’une des premières causes de maladies professionnelles en France : les troubles musculosquelettiques, ou TMS.
Les TMS regroupent des atteintes des muscles, des tendons, des nerfs et des articulations. Ils touchent principalement le dos, les épaules, les coudes, les poignets et les genoux. Les pathologies les plus connues sont le syndrome du canal carpien, les tendinites de l’épaule, l’épicondylite du coude ou encore certaines lombalgies chroniques. Ces troubles ne surviennent pas brutalement : ils s’installent progressivement, sous l’effet de gestes répétitifs, d’efforts excessifs, de postures pénibles, de vibrations ou d’un manque de récupération. Les premiers signes sont souvent des douleurs, des raideurs, des engourdissements ou une perte de force.
Aujourd’hui, les TMS représentent la première cause de maladies professionnelles reconnues. Environ 40 000 nouveaux cas sont indemnisés chaque année, ce qui représente plus de 11 millions de journées de travail perdues, soit près d’un milliard d’euros de coûts pour les entreprises et la collectivité. Derrière ces chiffres, il y a des salariés durablement fragilisés, parfois contraints de limiter leur activité, voire de changer de métier.
Des métiers particulièrement exposés
Tous les secteurs sont concernés, mais les métiers manuels et physiques sont parmi les plus touchés : BTP, industrie, logistique, agroalimentaire, restauration, métiers de bouche, aide à la personne. Dans le bâtiment, certains métiers cumulent fortement les risques : maçons, paveurs, tailleurs de pierre, serruriers-métalliers, techniciens CVC… Ils sont confrontés à des manutentions lourdes, à des postures contraignantes et à l’exposition aux vibrations, souvent sous contrainte de temps et de cadence.
Identifier et évaluer les risques : une étape clé
La prévention des TMS commence par l’identification des situations à risque. Il s’agit d’observer concrètement le travail réel : gestes répétés, amplitudes de mouvement, efforts fournis, positions de travail (bras en l’air, dos penché, travail à genoux), mais aussi fréquence, durée d’exposition et temps de récupération.
L’expression des salariés est essentielle. Les douleurs récurrentes, la fatigue inhabituelle, les gênes en fin de journée ou les difficultés à tenir certains postes sont autant de signaux d’alerte. Des outils existent pour objectiver ces ressentis, comme les questionnaires de repérage des douleurs ou les méthodes d’analyse de la charge physique de travail.
L’évaluation ne doit pas se limiter à l’aspect purement physique. L’organisation du travail joue un rôle majeur : cadences élevées, manque de pauses, pression des délais, sous-effectifs, polyvalence non maîtrisée. Ces facteurs aggravent fortement le risque de TMS. Une analyse efficace se fait toujours en associant encadrement, salariés et acteurs de la prévention.
Prévenir plutôt que réparer
Contrairement aux idées reçues, les TMS ne sont pas une fatalité. Des solutions existent, à condition d’agir en amont. La prévention repose d’abord sur l’aménagement des postes de travail : adapter les hauteurs, limiter les torsions, rapprocher les zones de prise, améliorer l’éclairage et l’accessibilité.
La réduction des manutentions manuelles est un levier majeur : chariots, diables, palans, tables élévatrices, lève-charges, aides au portage. Chaque charge évitée ou allégée permet de préserver durablement les épaules, le dos et les genoux.
L’organisation du travail a également un rôle déterminant : rotation des tâches pour éviter la répétitivité, pauses suffisantes, anticipation des phases les plus pénibles, ajustement des effectifs. La formation des salariés aux bons gestes, à l’ergonomie et à l’utilisation des aides techniques renforce l’efficacité de ces mesures. Les équipements de protection individuelle (genouillères, gants, protections articulaires) viennent en complément, sans jamais se substituer aux aménagements.
Depuis 2024, le fonds de prévention de l’usure professionnelle (Fipu) permet par ailleurs de financer des équipements, des diagnostics et des actions de sensibilisation, notamment dans les petites entreprises.
Un enjeu de santé, mais aussi de performance
Prévenir les TMS, c’est préserver la santé des salariés, mais aussi sécuriser les parcours professionnels, réduire l’absentéisme, fidéliser les compétences et améliorer la performance globale de l’entreprise. Dans des secteurs en tension, où le recrutement est difficile, préserver les corps devient un véritable enjeu stratégique.
Les TMS ne sont ni une fatalité, ni un simple « mal du métier ». Ils rappellent une chose essentielle : le travail doit s’adapter à l’humain, et non l’inverse.


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