Bonjour à toutes et tous,
j'ai le plaisir de vous partager ma courte synthèse (2/7) de l'intervention de Natalia Petkova, Docteur en architecture et praticienne, lors du colloque "La pierre : un choix sociétal" du 10 juin 2024 au Pavillon de l'Arsenal.
Je vous souhaite une bonne lecture et n'hésitez pas à nous partager vos pensées et avis en commentant l'article.
Bruno
Natalia Petkova est architecte HMONP, diplômée de l’université de Cambridge et de l’École des hautes études en sciences sociales. Elle a travaillé dans diverses agences à Paris et à Londres et a enseigné la recherche et le projet à l’ENSA Paris-Malaquais, à l’ENSA Paris-Belleville et à l’EAVT Paris-Est.
En décembre 2023, Natalia Petkova a soutenu sa thèse de doctorat en architecture intitulée "Form Follows Material ? Stories of Building in Massive Stone Today". Cette thèse, menée sous la direction de Valéry Didelon (membre associé des laboratoires ACS/AUSser), a été préparée au sein du laboratoire ACS de l’École d’architecture Paris-Malaquais et de l’école doctorale Ville, Transports et Territoires (VTT) de l’Université Paris-Est Sup. Elle a été financée par le Ministère de la Culture et la Caisse des dépôts et consignations. |
Ce que le choix de la pierre en structure engage pour l’architecture contemporaine.
Natalia Petkova est invitée à présenter les résultats de sa recherche doctorale sur l'utilisation contemporaine de la pierre dans l'architecture en Europe. L’article suivant résume son intervention.
À en juger par le nombre croissant de projets publiés, d’articles, de formations, de conférences et de journées d’études, la pierre de taille connaît un nouvel engouement. Ce regain d’intérêt s’est particulièrement manifesté en France avec des expositions telles que "Relever la Ressource" au Pavillon de l'Arsenal en 2018. À la suite de cette exposition et des recherches sur la disponibilité de la pierre calcaire dans un rayon de 100 kilomètres autour de Paris pour de futurs chantiers de logement dans la capitale, Natalia a commencé à s’interroger sur l’usage contemporain du matériau dans d’autres pays d’Europe occidentale.
Exposition : Révéler la ressource, Pavillon de l’Arsenal, 2018.
En effet, selon elle, cette réémergence de la pierre est observée non seulement en France, mais aussi en Suisse, en Espagne et au Royaume-Uni. L'exposition "The New Stone Age" à Londres illustre l'optimisme croissant quant à l'avenir de la pierre dans l'architecture britannique. En Suisse, la pierre a trouvé une place particulière dans les écoles d'architecture et les projets de recherche académique, tandis qu'en Espagne, le travail du bailleur social IBAVI a réhabilité l'image de la pierre locale en tant que matériau structurel contemporain.
« Dans ma recherche, j’ai prêté attention aux croyances, aux espoirs, aux craintes, aux désirs, mais aussi au dégoût lié à la pierre »
Malgré cet enthousiasme renouvelé, l'utilisation de la pierre de taille reste marginale par rapport aux matériaux industriels plus couramment employés. Bien que cela soulève des questions sur les obstacles réglementaires et techniques, Natalia Petkova souligne que des obstacles culturels puissants entravent également son adoption plus large. De ces perspectives ont émergé un travail ethnographique sur le terrain en Suisse, en Espagne et au Royaume-Uni, autour d’une série de projets de construction (réalisés par Atelier Archiplein, Atelier Architecture Perraudin, Aulets Arquitectes, Institut Balear de l’Habitatge IBAVI et Caruso St John Architects).
Logements bioclimatiques, IBAVI, Iles Baléares. ©N.Petkova
Cette étude, composée de neuf chapitres thématiques clés, relie le matériau pierre à la pensée et à la forme architecturale contemporaine et met en lumière neuf problématiques des maîtrises d’ouvrages et d'œuvres impactant la massification de l’usage de la pierre. Elles sont explicitées ci-dessous :
• Les coûts et délais d’approvisionnement en matériaux influencent grandement le choix de la provenance de la pierre malgré une volonté initiale de localisme.
• La variabilité dimensionnelle et l’hétérogénéité intrinsèque de la ressource choisie se confrontent aux critères esthétiques et techniques initiaux des projets. Il serait nécessaire d’adapter ces critères en fonction de la qualité de la pierre telle qu’elle se trouve dans le sol.
• Le besoin d’expertise d’acteurs qualifiés et expérimentés en matière de conception et de construction des structures en pierre s’avère onéreux mais essentiel pour le bon déroulement du projet. Cet accompagnement pourrait être ponctualisé pour rester dans les budgets serrés de la construction de logement.
Chantier en Suisse ©N.Petkova
• Des croyances morales développées à des époques révolues (souvent avec d’autres types de matériaux) dirigent certains choix de forme ou de systèmes constructifs et bloquent l’identification de solutions techniques favorables à l’usage de la pierre (par exemple, le renforcement des structures par l’alliage de la pierre avec d’autres matériaux comme l’acier).
• L’organisation artisanale ou industrielle du travail et les équipements des acteurs de la filière (extraction, transformation et assemblage de la pierre) impactent le projet dès le début. Par exemple, prendre en compte les dimensions des blocs issus des capacités des carriers dans les plans permettrait une économie de projet optimisée.
• Les connotations sociales vis-à-vis de l’aspect et des finitions des ouvrages en pierre. Un nouvel imaginaire vernaculaire, acceptant la rusticité des parois, permettrait de faire accepter plus facilement les pierres apparentes de second choix, les reliefs de parements et la variabilité des couleurs, rendant ainsi les projets à petits budgets économiquement viables.
• La compréhension et l’acceptation du large champ des possibles innovations ou simplement le réemploi de systèmes historiques dans la construction en pierre, notamment en termes de mixité des matériaux (pierre/bois, pierre/briques, pierre/acier), permettraient d’allier performances techniques et compétitivité économique.
Maçonnerie mixte, Grande-Bretagne. ©N.Petkova
• Les associations stylistiques de la pierre avec le classicisme restreignent les esthétiques. Par crainte de pastiche, ces associations conduisent certains architectes à adopter une approche principalement basée sur la rationalité constructive moderniste, aboutissant à la création de façades en pierre généralement très lisses, sans ornement et sans valorisation du savoir-faire des tailleurs de pierre.
• La durabilité de la pierre est aussi assujettie à la forme des bâtiments et au choix des systèmes structurels. La conception des bâtiments doit suivre la prédisposition du matériau à durer en privilégiant la polyvalence spatiale, la réparation, la déconstruction et le réemploi. Pour minimiser l’entretien des bâtiments en pierre, les architectes gagneraient à se rapprocher des professionnels du patrimoine, des restaurateurs et des géologues afin d’appréhender et prévenir les futures pathologies et désordres.
« La rationalité constructive pourrait générer de nouvelles formes architecturales propres à notre époque. Cela mériterait plus de recherches en partenariat avec les Compagnons. »
Retrouvez l’intégralité de l’intervention filmée ici:
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